mercredi 1 août 2012

August Bondi, un révolutionnaire juif hongrois pendant la guerre de sécession.



Il est un fait peu connu que trois immigrés juifs, ont fait partie de la bande de John Brown lors des escarmouches/massacres (des raids quoi !) entre « free-staters » abolitionnistes du Kansas et esclavagistes pro sudistes du Missouri.
Il s’agit de Théodore Wiener, juif polonais, Jacob Benjamin de Bohême, et August Bondi (1833-1907), juif hongrois. Parmi les trois, c’est incontestablement August Bondi qui a laissé la marque la plus importante dans l'histoire.
Bondi est né  le 21 juillet 1833, à Vienne. Il a reçu son éducation dans le gymnase universitaire de Vienne, qui a été dirigé par des moines catholiques. Quand il avait 15 ans, en 1848, pendant ce printemps des peuples célébré par l’élite intellectuelle française de l’époque, il rejoint la « Légion académique des étudiants », un groupe révolutionnaire hongrois qui luttait pour une Hongrie libre détaché de la tutelle autrichienne. (Aparté : l’histoire des juifs hongrois se confond avec l’histoire du mouvement ouvrier internationale) La révolte a échoué et Bondi a été expulsé de son école. Certains des étudiants ont été emprisonnés. Bondi et sa famille ont fui aux États-Unis dès cette funeste année. Sa famille s'installe à Saint-Louis. Bondi a travaillé sur un cargo qui a parcouru le Mississippi jusqu’au golfe du Mexique.il écrira en mai 1850 alors que le bateau sur lequel il travaille s'est arrêté à Galveston: "Les cris des esclaves qu’on fouette avec des lanières de cuir, chaque matin, me réveille avant l'aube, vers quatre heures." 
C’est dans un article du New York Tribune, qu’à cette même époque, il lit un éditorial appelant les immigrés à venir s’installer au Kansas pour éviter que ce qui n’est qu’un territoire ne devienne un Etat esclavagiste. Bondi répond à l’appel et s’installe en mai 1855 dans le comté de Franklin. 


Les raids des esclavagistes du Missouri battaient alors leur plein. Les événements qui menèrent à « la guerre de Wakarusa » commencèrent le 21 novembre 1855, quand l'anti-esclavagiste Charles W. Dow fut assassiné par un colon pro-esclavagiste. De violentes représailles mutuelles s’ensuivirent. Le 1er décembre 1855 une petite armée de Missouriens, sous la commande du shérif Samuel J. Jones du Comté de Douglas (Kansas), assiégèrent la ville de Lawrence, bourgade où se rassemblaient les abolitionnistes et les nouveaux immigrants. 

Un canon pris aux mexicains lors de la précédente guerre et que les esclavagistes volèrent à Liberty.

Pendant le siège, le corps principal des envahisseurs campait à environ 10 kilomètres au sud-ouest de Lawrence. L'armée des assiégeurs était de 1.500 hommes. Ils étaient diversement armés, mais ayant pénétré par effraction dans l'arsenal des États-Unis à Liberty (Missouri), ils avaient volé les pistolets, sabres, canons et munitions dont ils avaient besoin. À Lawrence, John Brown et James Henry Lane (inutile de s’étendre d’avantage sur ce triste personnage) avaient rassemblé une armée de colons anti-esclavagistes et érigé des barricades.

Lane, un ancien esclavagiste qui avait retourné sa veste...

Un "freestater" du Kansas.

Il n'y eu finalement aucune attaque sur Lawrence. Le 8 décembre, un traité de paix apaisa le désordre, et ses dispositions furent généralement acceptées. Le 6 décembre l'abolitionniste Thomas Barber devient la seule victime de ce siège. Sa mort fut immortalisée par John Greenleaf Whittier dans un poème intitulé L'Enterrement de Barber. 



James Buchanan, pro-esclavagiste est investi candidat démocrate, puis élu président avec 1,8 million de voix contre 1,3 million à John Charles Frémont. En janvier 1856 le Kansas a donc deux gouvernements, chacun d’eux déclarant l’autre hors la loi. L'officiel à Lecompton et l'officieux, à Lawrence (Kansas).




La paix est de courte durée, aucune loi ne régnant sinon celle du plus fort. Si bien qu’un an plus tard un groupe de huit cents Border Ruffians du Missouri mettent à sac des maisons, des magasins de Lawrence, brûlent l'Hôtel de « l'État libre » et détruisent deux bureaux de presse.



Au cours de ces évènements, Bondi avait vu sa maison partir en cendres et son bétail volé. Dès lors il décide de rejoindre les « Kansas regulars » qui on s’en doute n’avait rien de soldats réguliers. La loi qui régit cette guerre de frontière est la loi du Talion prêché dans les Evangiles : « œil pour œil dent, pour dent, sang pour sang, brûlure pour brûlure » En mai 1856, quelques jours après le pillage de Lawrence, Brown mène un raid sanglant à la frontière du Missouri, au lieu-dit « Pottawatomie Creek » et massacre plus d'une douzaine d’esclavagistes à l’arme blanche. Notre Jacob Benjamin est présent lors de ce raid en tant que capitaine, ainsi que August Bondi comme le prouve cet état des effectifs (ça devait être leur côté "regulars") - Noms entourés par moi, le document conservé est bien évidemment vierge.


Le 2 juin 1856 : John Brown fait prisonnier le Colonel Henry C. Pate et 22 (ou 48 selon les sources) combattants de ses hommes pro-esclavagistes lors de la bataille de Black Jack. Bondi, et ses deux coreligionnaires Benjamin et Weiner ont tous combattu avec Brown à Black Jack. Dans le récit qu’a fait Bondi de « la bataille », qui peut être trouvée dans ses papiers à la American Historical Jewish Society, il raconte comment il marchait en pointe du reste de la troupe, à côté de Brown.

« Nous marchions le dos courbé, rampant presque et nous protégeant des tireurs d'élite Ruffian dans les herbes hautes, mais les balles sifflaient .... Wiener soufflait comme un bateau à vapeur, en se pressant derrière moi. » Il interpelle son copagnon en yiddish «Nu, était meinen Sie jetzt» (Maintenant, que pensez-vous de cela?). Sa réponse, «Sof muves Odom» (une phrase qui signifie en hébreu «la fin de l'homme, c'est la mort» ou en langage moderne, «Je suppose que nous allons droit vers la mort». 

De ces trois juifs, leurs détracteurs ont dit qu'ils n'étaient que des marchands qui s'étaient  installé dans le Kansas avec l'intention de monopoliser le commerce dans la région. Ce qui peut être vrai pour l'un n'est pas vrai pour l'autre. Dans ses mémoires,  Bondi traite son ancien compagnon Théodore Wiener comme "pro esclavagiste" du fait que ses clients "étaient, à peu près tous des pro-esclavagiste." A un moment où la situation était de plus en plus tendue et que la violence prenait ses proportions de plus en plus inquiétantes, Wiener a refusé de suivre ses anciens compagnons, de prendre parti, "alléguant qu'il était venu au Kansas pour faire du commerce et non pour la politique." On peut ici affirmer sans dire de bêtises que si l'abolitionnisme était une cause noble et sincère chez certains, comme August Blondi (avec quelques nuances néanmoins), il n'était que le résultat du plus simple opportunisme chez Wiener, qui d'après certains aurait rejoint Brown pour évincer un homme qu'il détestait (rivalité commerciale?) et non dans le but d'émanciper les noirs. A cette époque Brown n'était pas très regardant sur les hommes qui le suivaient et ainsi on pouvait trouver autant d’homme authentiquement abolitionniste que d'hommes poussés par la vengeance ou par l’intérêt personnel.

Il convient de noter à ce propos certains abolitionnistes n'étaient pas plus enclins que ça à se lier avec des noirs (sauf Brown). Pour eux, la présence de l'esclavage était une calamité au Kansas du fait que les salaires de la classe ouvrière blanche s'en trouvaient rabaissé. Bondi lui-même fait la distinction quant à ce qui avait dicté son combat : «Ce n'était pas tant la sympathie avec l'esclave nègre, c'était l'antipathie contre la dégradation du travail".



Bondi pris part avec Brown à plusieurs raids tout le long de la ligne de Missouri-Kansas. En 1857, Bondi a participé à un raid sur la ville esclavagiste de Greeley dans le comté d'Anderson. Néanmoins en 1859 lors du Raid d'Harpers Ferry, il était au Canada. Ce n'est pas étonnant quand on sait qu'à cette époque Brown, n'était plus guère suivi que par les membres de sa famille, des amis de longues dates, très fidèles, abolitionnistes sincères et quelques noirs.

Quand la guerre civile commence, il s'engage dans le 5th Kansas cavalry. Pendant 3 ans, il a combattu dans plusieurs batailles et accrochages avant d'être gravement blessé. Il fut même fait prisonnier et laissé pour mort près de Pine Bluff, en Arkansas.




Il s'est rétabli et a été exempté de service  le 10 novembre 1864. Deux ans après, Bondi tenait une épicerie à Leavenworth. Il a ensuite déménagé à Salina, où il a dirigé plusieurs magasins et un post office. Il est devenu un avocat quand il avait 63 ans. Bondi est mort en 1907, à l'âge de 74 ans. Dans son autobiographie, Bondi  affirme que c'est un serment de jeunesse qu'il l'avait poussé toute sa vie à se consacrer à lutte pour les idéaux de progrès et de liberté. Enfin qu'il était resté fidèle aux principes qu'il avait juré de faire respecter au cours "des jours orageux de la révolution de 1848." Même si on peut toujours douter de ce genre de proclamation, écrit pour la postérité, la tradition des juifs hongrois dans toutes les luttes sociales du XIXeme siècle et du XXième siècle prouvent que ce genre de personnage plus ou moins apatride était sincère dans le dévouement à la cause q’il voulait servir.



De sa lutte aux côtés de Brown, Bondi disait qu'il s'agissait d'une sorte de fraternité et n'a jamais caché toute l'affection et l'admiration qu'il avait pour lui (n’oublions pas que Bondi est un européen, un juif cultivé, qui a pris part à la révolution de 1848 en Hongrie - voir à ce sujet à quel point Brown a été encensé par les élites progressistes et/ou révolutionnaires d’Europe...Hugo notamment. Il disait aussi de Brown, que ce dernier conseillait à ses hommes de ne pas avoir peur d'enfreindre les lois ou les institutions officielles si leur conscience leur dictait que leur cause était juste.
En dehors de Benjamin dont on ne sait ce qu'il est devenu et de Wiener qui était un opportuniste revendiqué, nous avons avec August Bondi un exemple rare de juif américain nordiste, poussé par sa foi révolutionnaire de jeunesse. Tout au long de sa vie il a été reconnu pour son idéalisme (héritage de 48) et son intégrité politique. 



Décédé en 1907. Bondi se disait lui-même juif au sens culturel du terme et l'a été toute sa vie. Lorsqu'il habitait Salina il a dû néanmoins aller jusqu'à Leavenworth pour trouver une synagogue. C'était pour marier l'une de ses filles. Bien que son enterrement ai eu à Salina selon le rite maçonnique (eh oui il était aussi franc-maçon), un rabbin de Kansas City était aussi présent.

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